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Liberté d’expression

Du désaccord sur la politique salariale à l’abus de la liberté d’expression, il y a parfois le choix des mots

La rémunération est un sujet qui peut donner lieu à des désaccords entre un salarié et son employeur. Rien n’empêche de les exprimer à condition toutefois, comme l’illustre une jurisprudence de la Cour de cassation du 14 avril 2016, de ne pas tomber dans l’abus de la liberté d’expression.

L’affaire concernait un « ingénieur principal », qui avait refusé de signer sa « lettre de rémunération » de 2007. À cette occasion, il avait envoyé à la directrice des ressources humaines (DRH) un courriel « bien senti » contestant son mode de rémunération, en mettant en copie son supérieur hiérarchique. Estimant qu’il avait outrepassé la liberté d’expression consentie à chaque salarié, la société avait licencié l’intéressé pour faute grave.

La cour d’appel a refusé de reconnaître la faute grave. Cependant, elle a jugé que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse, refusant ainsi d’octroyer au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié soutenait qu’en dépit de leur véhémence, certains des propos contenus dans le courriel, adressé à la DRH, avec copie au seul supérieur hiérarchique, ne constituaient pas un abus de sa liberté d’expression. Selon lui, il s’était borné, sans attaque personnelle et dans le cadre d’une démonstration argumentée, à dénoncer le système de rémunération variable mis en place par l’employeur. Par ailleurs, il soutenait ne leur avoir donné qu’une publicité pertinente et très restreinte.

La chambre sociale de la Cour de cassation n’a pas suivi le salarié dans son argumentation.

La cour d’appel avait constaté que le salarié avait écrit à la DRH avec copie à son supérieur hiérarchique que le système mis en place par la société est « un système de tricheurs », « un système de voleurs », qu’il s’agit d’une volonté de bafouer délibérément le droit du travail, que l’insistance de la société démontre, s’il en était encore besoin, la nécessité impérieuse qu’elle a de « faire cautionner ce système inique par ses victimes », que la société « mérite mieux que ces pratiques plus que douteuses ».

Dès lors, la cour d’appel avait exactement déduit que le salarié avait dépassé le cadre de l’expression d’un simple désaccord sur la politique salariale de l’entreprise et commis une faute justifiant son licenciement.

Cass. soc. 14 avril 2016, n° 14-29769 D

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